POULAUD Marius

Marius Victor POULAUD. Quartier-maître TSF sur le vaisseau «L’Etendard ».

Fils de Henri Jean Charles Poulaud, commis, et de Rosalie Marie RIGAL. Né le 5 février 1891 à Montpellier ; disparu à 26 ans avec son bâtiment le  25 avril 1917. Inhumé au cimetière Saint-Lazare de Montpellier.

En 1911, année de sa classe, Marius est un jeune « employé » domicilié à Bédarieux, dont le père est déjà décédé. Inscrit sous le n° 77 de la liste de recrutement de cette ville, il est appelé au service militaire cette même année sous le N° 509 et affecté au 5e dépôt des Equipages de la Flotte où séjournent les marins en attente d’affectation à terre ou sur un bâtiment (naviguant). Il y en a un par région maritime, d’où le numéro de 1er dépôt pour Cherbourg, 2ème pour Brest, 5ème pour Toulon…

Bien que ne possédant pas de photo ou de portrait de Marius, la fiche de recrutement nous apporte des éléments qui nous permettent d’imaginer notre marin : de stature fine et de taille plutôt petite (1.61 m), les cheveux noirs couvrent le front, le visage rond est animé d’un nez droit, d’une grande bouche aux lèvres épaisses et sous les sourcils drus, des yeux marron foncé. Marius a le type méditerranéen et la stature des matelots.

La vie de marin a séduit Marius qui, le service terminé le 31 janvier 1912, s’engage comme volontaire pour 5 ans à Toulon, arrive dans l’armée active le 1er février, est promu matelot de 2° classe, breveté électricien le 1er octobre de la même année.Toulon

Au début du 1er conflit mondial, Marius est au 1er dépôt des Equipages de la Flotte à Cherbourg, quartier-maître électricien sur le contre-torpilleur L’Etendard.cherbourg

Le contre-torpilleur L’Etendard, mis en cale fin 1905 par la SA de Travaux Dyle et Bacalan sur le chantier naval de Bordeaux, lancé le 20 mars 1908, est mis en service en février 1909 après une période de tests ; à cette époque, la finition d’un navire prenait beaucoup plus de temps que de nos jours.L'Etendard

L’Etendard est l’un des 13 navires contre-torpilleurs de la classe Branlebas – ils portent tous les noms d’armes ou objets historiques de l’infanterie : Branle-bas, Fanfare, Fanion, Gabion, Glaive, Oriflamme, Poignard, Sabretache, Sape… – utilisés durant la Grande Guerre et destinés à défendre une escadre, un convoi ou un port contre les attaques des torpilleurs ennemis. Avec ses 58 mètres de long, ses 6,60 mètres de large pour un déplacement de 339 tonnes, il est un des premiers à bénéficier d’un blindage de coque de 20 mm de protection pour les 2 chaudières qui entraînent 2 machines « Compound » fournissant une puissance de 6 800 cv, actionnant 2 hélices pouvant le propulser à la vitesse de 27 nœuds. Armé d’1 canon de 65 mm, de 6 canons de 47 mm et de 2 TLT (tubes lance-torpilles) de 250 mm, avec à son bord un équipage de 75 officiers et matelots, il est affecté à l’Escadre du Nord à Dunkerque, puis affecté dès août 1914 à la 1ère Escadrille de la 2ème Escadre légère à Cherbourg.

Carte postale représentant le contre-torpilleur L'Etendard. La carte a été expédiée de Rochefort le 21 janvier 1910 (http://recherches.historiques-leconquet.over-blog.com)

Carte postale représentant le contre-torpilleur L’Etendard. La carte a été expédiée de Rochefort le 21 janvier 1910 (http://recherches.historiques-leconquet.over-blog.com)

A ce moment-là, L’Etendard, qualifié de « torpilleur d’escadre », affecté à la flottille de patrouille de la Mer du Nord, est un « jeune » destroyer dont les « 300 tonnes » ont seulement six ans d’existence – ce qui est bien peu dans la vie d’un navire – , sur lequel il fait bon vivre en raison de l’esprit de corps étroit qui règne dans les flottilles. Employé à bien des besognes de convoyages, d’escorte, de garde du littoral… en août 1915, il effectue des raids de nuit sur Ostende et capture avec le torpilleur L’Intrépide en avril 1916 un hydravion allemand. Le 30 mai 1916, poussant la recherche d’un sous-marin ennemi, L’Etendard subit un tir nourri et ajusté, un gros projectile explose à quelques mètres, projetant des éclats à son bord… Le 16 août 1916, le contre-torpilleur passe sous le commandement du Lieutenant de vaisseau Pierre Auguste Georges Mazaré. Marius est quartier-maître TSF (Transmission sans fil).

L'Etendard 4C’est dans l’accomplissement de sa mission de garde du littoral en patrouille dans les bancs de Flandre que L’Étendard va trouver une fin glorieuse.

Au large de Dunkerque, dans la nuit du 24 au 25 avril 1917, il a essayé de s’opposer seul à un raid de torpilleurs allemands visant le port de Dunkerque : il est touché par un projectile dans sa soute à munitions, qui provoque l’explosion du bâtiment  tuant ou noyant tout son équipage. Seules subsistent quelques tôles dispersées, quelques amas de ferrailles et une chaudière. Le fond est parsemé de briques réfractaires.

Le récit de ce drame rapide est exposé dans le rapport du chef de division des flottilles de la mer du Nord (C.F Exelmans, chef de division, 15 mars 1917) :

« L’Étendard, qui était de garde assez loin de Dunkerque, mais assez près de la côte, aperçut dans les ténèbres des navires qui venaient de la direction de Dunkerque. Etait-ce l’ennemi qui venait de bombarder la ville ? Etait-ce une force alliée poursuivant l’ennemi ou cherchant à lui couper le chemin du retour ? Dans le doute, le devoir était de faire d’abord le signal de reconnaissance, signal lumineux qui découvrait l’Étendard, puis, si la réponse se faisait attendre, de lancer le signal d’alerte et d’engager le combat.
Le commandant Mazaré n’hésita pas, et, en fait, les deux signaux de reconnaissance et d’alerte furent aperçus de différents observateurs à terre et en mer. Mais le signal d’alerte fut fait au milieu d’une trombe de feu, réponse immédiate de l’ennemi au signal de reconnaissance. Une torpille atteignit l’Étendard sous sa passerelle, une colonne de flammes monta jusqu’à 100 mètres de haut. L’ennemi stoppa un moment dans le but de capturer des survivants, mais nos renforts arrivaient et il prit la fuite. Des recherches immédiates furent faites sur les lieux et tout autour. La douzaine de corps que nous avons retrouvés sont ceux du personnel dont le poste de combat était à l’arrière.

Le navire est coupé en deux. L’avant, complètement couché sur le côté, n’est plus qu’un amas de débris de tôles. Il n’y a plus de passerelle et les scaphandriers n’ont pas pu encore dégager les corps qu’enferme ce chaos. L’arrière est droit ; l’extrémité du mâtereau émerge seule portant le pavillon national; nous avons recueilli, détaché de la coque et flottant près du pavillon, le tableau portant l’inscription : « Honneur et Patrie! ». L’Étendard fut cité à l’ordre de l’armée. »

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Extrait du livre du Chanoine Pol Auber, aumônier de l’Ecole navale, L’Epopée de L’Etendard, Paris, Editions « Livre du Marin »

Extrait Ouest-France, 8 mai 1917.

Extrait du journal Ouest-France, 8 mai 1917.

L’épave du navire, déclaré « perte totale » (corps et biens), a été localisée entre Dunkerque et Nieuport, par huit mètres de fond (aux coordonnées exactes 51°06,3 N et 002°29,2 E).

Quelques corps ont été retrouvés les jours suivants, celui du commandant ne fut retrouvé que le 11 juillet.

Quelques noms de marins retrouvés : Charles Perrichon, enseigne de vaisseau de 2° classe ; Yves-Marie Cleck, second-maître ; Alain Kerichard, second-maître ; Marcel Vandenbusche, quartier-maître fourrier ; Maurice Poulard, quartier-maître T. S. F. ; Jean Boulic, quartier-maître chauffeur ; François Caroff, matelot mécanicien ; Ange Bolorel, matelot torpilleur ; Eugène Thomas, matelot fusilier ; Pierre Grabey, chauffeur breveté ; Eugène Grand, quartier-maître électricien ; Albert Boisson, mécanicien principal de 2e classe ; Louis Victor Couraux, matelot fusilier…

Il est légitime de rendre hommage et réhabiliter la mémoire de notre marin montpelliérain qui ne figure pas parmi les membres de l’équipage, et pour cause, son nom est orthographié : Maurice Poulard, quartier-maître T. S. F.

Le jugement concernant la mort des marins de l’Etendard a été prononcé par le Tribunal de Rochefort le 12 février 1918 et transcrit à la Mairie de Rochefort le 21 février 1918. L’infortuné quartier-maître T.S.F. Marius Victor Poulaud fut déclaré « disparu avec son bâtiment le 25 avril 1917 à bord de L’Etendard ».

Sa dépouille fut restituée à sa famille en 1921 : il repose depuis à Montpellier, au cimetière Saint-Lazare (secteur AE 4° division, N° 4 du 1° rang).

On peut lire dans L’Ouest-Éclair (Rennes) 11/6/1917 (n° 6428) :

« L’Etendard et son équipage ont glorieusement péri » 

PARIS, 10 juin. Le Petit Calaisien publie dans son numéro du 8 juin la lettre suivante que lui a adressée le contre-amiral Exelmans :

Je viens de lire dans Le Petit Calaisien du 3 juin une lettre de M. le député Garât dans laquelle je relève le passage suivant :

« Ce n’est point à Calais que s’est produit un sinistre de ce genre, mais à Dunkerque et à la date que je viens de vous indiquer un torpilleur, l’Etendard, de 300 tonnes, a été coulé au mouillage entre les jetées. Son commandant fut noyé dans sa cabine On voit, paraît-il, encore les mâts de ce bâtiment à marée basse. »

Je considère comme un devoir de vous signaler la double inexactitude que contient ce récit, l’Etendard n’a pas été coulé  entre les jetées de Dunkerque. 

Il a succombé en combattant, au large, des ennemis supérieurs en nombre et son commandant était sur sa passerelle à son poste de combat  comme étaient à leur poste de combat tous les hommes de son équipage dont pas un n’est revenu… Ces marins ont lutté dans des circonstances particulièrement difficiles. J’estime que leur mémoire doit être d’autant plus honorée surtout dans les ports du Nord, qu’ils ont donné leur vie pour défendre ces ports attaqués par un ennemi très supérieur en nombre. » 

Exelmans. Pour copie conforme, Calais, le 6 juin 1917, le général A. Ditte gouverneur. » 

Sources : Bruno Pruvost, « L’Épopée de l’Étendard par Paul Aubert », Article du Nord-Maritime du 24 avril 1922, extrait des archives municipales de Dunkerque. Jean-Michel Roche, Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, Tome II (1870-2006), Millau, 2005. Commandant de Balincourt, Augustin Challamel, Les Flottes de Combat en 1917,  1917.

Site internethttp://www.netmarine.net/dico/index.htm

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