LEGRAND Auguste

Auguste LEGRAND. Général de brigade de l’Infanterie de ligne, Commandeur de la légion d’honneur, Commandeur de l’Ordre royal de Dannebrog, Médaillé du Mérite Militaire de Sardaigne, Médaillé de Crimée, Médaillé d’Italie. 

2016-04-06 19_19_13-Officiers alpinsCélibataire. Fils de Jean Louis LEGRAND et de Marguerite Victoire PAYER. Né le 19 septembre 1835 à Vouziers (Ardennes), décédé le 13 août 1915 à Montpellier. Inhumé au cimetière Saint-Lazare secteur AJ-8-19-2, le dernier du rang, acte 8963.

Auguste Legrand naît le 19 septembre 1835 à Vouziers sur les bords de l’Aisne, près des2016-04-06 10_06_12-Ministère de la culture - Base Léonore crêtes ardennaises, là où commence la forêt d’Argonne et finit la plaine de Champagne. C’est dans une gendarmerie qu’il pousse son premier cri, plus exactement dans la maison occupée par ses parents à la caserne : son père, Jean-Louis, est un gendarme de 40 ans à la brigade de Vouziers et sa mère, Marguerite Victoire, âgée de 35 ans, sans profession.

2016-04-06 12_09_32-Forces Publiques SNHPG Histoire Gendarmerie - Colloque

Les débuts dans la vie d’Auguste Legrand s’inscrivent sur cette toile de fond, dans une région à la frontière belge si proche, à 45 km seulement de Reims où avait été sacré roi de France Charles X, peu de temps auparavant (1825), où fleurissait le culte du patriotisme qui était élevé au rang de vertu.

Très tôt, sa décision est prise, il sera militaire.

Le 10 novembre 1852, à 17 ans, il contracte un engagement volontaire et devient élève de l’Ecole spéciale militaire. Il en sort 44éme dans l’ordre du mérite obtenu aux examens de sortie. Nommé Sous-Lieutenant le 1er octobre 1854 au 26° régiment d’Infanterie de ligne, il est aussitôt envoyé en Crimée à la campagne d’Orient du 8 novembre 1854 au 12 décembre 1855.

Il participe avec son régiment au siège de Sébastopol et le 28 janvier 1855 il est blessé à la tête par un éclat de pierre ; son régiment subit de lourdes pertes, en particulier lors des combats du 18 juin 1855 (157 tués et disparus et 357 blessés). Le 8 septembre 1855 les Anglais étaient installés à l’Est, en face du faubourg de Karabelnaia défendu par les redoutes de Malakof et du Grand Redan; les Français, à l’Ouest, en face de la ville défendue par le bastion du Mât et le bastion Central. Au sein de la division Autemarre, le 26° d’Infanterie participe à la prise de la ville et enlève le Bastion du Mât.

2016-04-06 13_31_06-Bienvenue sous le Second Empire __ Les français en CriméeLa prise de l’embuscade Russe du Bastion du Mat par les Éclaireurs volontaires 

Pendant les mois suivant, son régiment offre quelques combats secondaires aux Russes au Corbon-bell le 23 septembre, ou sur les hauteurs de Yeni Sala en octobre.

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Médaille de Crimée, de l’armée britannique

Le sous-lieutenant reçoit la médaille de sa Majesté la reine d’Angleterre (Médaille de Crimée ci-contre) et le 20 novembre 1855, il est promu Lieutenant, ce qui sera confirmé par décret du 22 décembre suivant.

En 1856, le 26° régiment est en garnison à Montélimar avec deux compagnies à Privas avant de partir pour Valence, puis Lyon, jusqu’au printemps 1858. À cette date, le régiment rejoint le camp de Châlons, ensuite Paris à la caserne de Popincourt, puis aux forts d’Ivry et de Bicêtre.

Ensuite, du mai 1859 au 14 juin 1860, Auguste Legrand participe à la campagne d’Italie, toujours avec le 26e qui a été intégré à la 2e division (général Uhrich) du 5e corps d’armée (prince Jérôme Napoléon). Il débarque au sud de l’Italie, à Livourne, le 24 mai 1859 et occupe les duchés de Toscane, de Modène et de Parme le 26 juin avant de remonter vers le nord rejoindre les autres corps devant Villafranca à la veille de la signature des préliminaires de paix.

Pendant un an le régiment est en garnison à Bergame qu’il quitte le 16 mai 1860 pour rejoindre la Savoie qui vient d’être rattachée à la France. Pendant presqu’un an durant la guerre d’Italie, le régiment fut employé pour tester l’emploi du chemin de fer jusqu’à Melun, en vue d’une mobilisation. L’expérience, inédite, fut oubliée en 1870…

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Médaille du Mérite Militaire de Sardaigne

Au titre de sa participation à cette campagne, le Sous-lieutenant Legrand reçoit la médaille Sarde de la valeur militaire (Médaille du Mérite Militaire de Sardaigne) et celle d’Italie. – La médaille d’Italie de 1859 est une médaille commémorative accordée par l’empereur Napoléon III sur la proposition des ministres de la guerre et de la marine, aux militaires français ayant participé à la guerre pour l’unité italienne. C’est une médaille en argent portant la légende Campagne d’Italie 1859 et la liste des batailles livrées : Montebello, Palestro, Turbigo, Magenta, Marignan, Solférino …

De retour en France, le régiment stationne dans la région de Dieppe, Eu et Le Tréport.

En janvier 1864, il est nommé Capitaine, 30 septembre 1866, Capitaine adjudant-major, et fait chevalier de la Légion d’honneur le 11 aout 1869.

Durant la guerre contre la Prusse, (campagne d’Allemagne), le 26e régiment d’infanterie fait partie de l’armée du Rhin. Les troupes françaises, sous les ordres de Bazaine, sont adossées aux forts de Saint-Quentin et de Plappeville, et s’étalent de Rozérieulles à Saint-Privat. Le 16 aout 1870 à Gravelotte [La bataille de Saint-Privat ou bataille d’Amanvillers (appellation française) ou bataille de Gravelotte (appellation allemande)], Legrand est gravement blessé par un coup de feu au coude gauche qui provoque une « fracture comminutive » (ou plurifragmentaire).

2016-04-06 15_07_51-Mitrailleuse - Siège de Metz (1870) — WikipédiaMise en place d’une mitrailleuse par l’infanterie française.

Après avoir été vaincu à Gravelotte le 18 août 1870, le maréchal Bazaine bat en retraite vers Metz où il espère trouver un appui défensif important, mais le siège de Metz qui se déroula du 20 août au 28 octobre 1870 se conclut par une défaite sans appel de la France. Legrand affaibli par sa blessure sera fait prisonnier et retenu par les Prussiens en captivité du 29 octobre 1870 au 5 avril 1871. Il est atterré, non loin de la région qui l’a vu naître, la Lorraine et l’Alsace sont devenues Allemandes…2016-04-06 15_02_51-Sisters of Mercy at the Battle of Gravelotte - Bataille de Saint-Privat — Wikipé

Les Soeurs de la Merci arrivent pour soigner les blessés de la bataille de Gravelotte

Quelques jours plus tard, le 13 avril, il est affecté jusqu’au 7 juin de la même année « à l’Intérieur, à l’Armée de Versailles ». C’est dire qu’il prend part à la semaine sanglante (du 21 au 28 mai), épisode final de la Commune de Paris, où elle est écrasée et ses membres exécutés en masse.

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La Villette cernée par les troupes versaillaises, mai 1871, par Gustave Boulanger (Source : Msée Carnavalet, Paris)

Le 9 aout 1873, il est nommé Major et versé au 86e régiment d’Infanterie, puis nommé Chef de bataillon le 26 juin 1874. En 1881, il prend part à l’expédition du Sud-Orannais, ce qui lui vaut d’être nommé Lieutenant-colonel le 7 novembre 1882 et versé au 42e.

Puis, devenu Colonel le 13 janvier 1887, il est versé au 122e de ligne à Montpellier où il arrive au corps le 20 février. A cette époque et jusqu’en 1894, le 122° de Ligne est caserné aux Minimes à Montpellier où le colonel Auguste Achille BAUDART, décédé en 1898, y a exercé le commandement.

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Caserne des Minimes à Montpellier (le Cours des casernes est l’actuel cours Gambetta ; la caserne a été détruite après 1945)

Le colonel Legrand est nommé Officier de la Légion d’honneur le 5 juillet 1888 à Montpellier. A l’occasion du 14 juillet suivant, le général commandant la garnison, Henri Baron-Berge, « après avoir fait prendre les armes à la garnison de Montpellier, et avoir placé devant le front de bataille le colonel Legrand, à l’effet de recevoir cette qualité », lui remet « ses insignes en lui donnant l’accolade et prononce la formule de réception. »

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Extrait du PV de réception d’Officier de la Légion d’honneur (Source : base Leonore, en ligne)

A cette époque, une nouvelle nécessité s’est fait jour dans l’armée qui va entraîner les réformes de 1887 à 1889 :

Bien que l’Italie doive son indépendance aux Français (campagne de 1860), un contexte international tendu inquiète les Français qui ne prévoient pas de se battre en montagne mais à l’entrée des vallées. Or, depuis 1872, les Italiens ont déjà leurs bataillons alpins spécialisés, formés par des troupes d’élite. Côté français, il y a bien quelques bataillons de chasseurs à pied détachés dans les Alpes, mais leur action consiste à surveiller le bas des vallées et le Piémont. Il fallait donc former et entraîner à la guerre en montagne de nouvelles troupes françaises capables de vivre, se déplacer, combattre en montagne et défendre de manière dynamique les vallées qui arrivent d’Italie et surtout se battre en altitude.

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Alors, quelques régiments d’infanterie fusionnent avec des régiments de chasseurs à pied, pour former 18 régiments régionaux dont 3 sont affectés à la défense des Alpes. 2 bataillons du 122° de Ligne sont « alpinisés » pour devenir un régiment d’infanterie désormais qualifiés de  »bataillons alpins de Chasseurs à pied », (appelés en 1904  » bataillons de Chasseurs alpins ») : les 54 et 57° brigades alpines sont nées, formant 12 bataillons, mais comme il y a 13 vallées à défendre, un 13° bataillon sera créé peu de temps après à Chambéry.

Cet engagement interarmes est très novateur puisque jusque là, il n’y avait pas d’engagement interarmes au-dessous du niveau de la division d’armée.2016-04-06 19_31_12-A Saint Lazare, sur la trace de - PowerPoint

Nommé général de brigade à la subdivision de Gap par décret du 7 octobre 1892, Legrand va commander la 57e brigade alpine jusqu’en 1897, afin de renforcer le groupe occupant la Maurienne. Son rôle est de former des troupes de forteresse ayant une connaissance parfaite du terrain sur lequel elles doivent se battre afin d’occuper les ouvrages fortifiés situés le long de la frontière pendant l’hiver. Alors que les chasseurs alpins ne restent en montagne que l’été, les régiments d’infanterie alpine occupent les ouvrages fortifiés de montagne pendant l’hiver, constituant la partie « fixe » du système de défense du massif alpin. Restant dans les forts toute l’année ce sont eux qui seront les précurseurs du ski militaire et du ski tout court.

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Décoration de Commandeur de l’Ordre royal danois de Dannebrog

Le général Legrand est pour cela décoré Commandeur de l’Ordre royal de Dannebrog (littéralement le « vêtement rouge », qui est le nom donné au drapeau danois. Ordre honorifique danois créé par le roi Christian V en 1671, pour récompenser le mérite civil et militaire, les actes de dévouement ainsi que les services rendus au Roi ou à l’Etat).

En Août 1897, la 57° brigade alpine basée à GAP, est sous le commandant du général Zédé, gouverneur militaire de Lyon, commandant le 14e Corps d’armée. Une répétition générale en quelque sorte, a lieu en août 1897, ce sont les grandes « manœuvres de la Maurienne. »

Lors de ces manœuvres, le Président Félix Faure passe en revue « l’armée des Alpes ». A cette occasion, il décore le général Zédé de  Grand Officier de la2016-04-06 19_15_07-Légion d’honneur Archives - Musée de Chevau légion d’Honneur et remet l’insigne de Commandeur de la Légion d’honneur au général Legrand qui, proche de la retraite, avait été nommé le 23 juillet 1897.

A la fin de la manœuvre, les officiers généraux et supérieurs du corps d’armée posent pour une magnifique photo qui a le mérite de réunir sur un seul cliché la fine fleur des troupes alpines françaises. Un petit détail : tous ces messieurs viennent d’allumer un cigare. On peut imaginer que la photo a été prise à la fin d’un repas de l’état-major…

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Le général Auguste LEGRAND
2016-04-06 19_36_42-Officiers alpins Le général Charles Jules Zédé

Mettons de la couleur à ce cliché : Pas de tenues camouflées encore ! La coiffure est le képi, un peu plus bas et moins rigide que celui de l’Infanterie traditionnelle. Les galons sont de laine pour la troupe et dorés ou argentés pour les officiers et sous-officiers. Les soldats issus de l’Infanterie sont équipés de la vareuse bleu foncé de l’Infanterie à l’origine, puis des vareuses-dolman type 1891 portée jusqu’en 1906 et le pantalon garance – et non bleu comme les chasseurs. Les épaulettes des fantassins sont rouges.

Un petit mot sur l’équipement de ces soldats pionniers : Les chasseurs sont donc équipés de ce qui se fait de mieux à l’époque en matière de matériel de montagne : chaussures à clous « ailes de mouche » – à priori ces clous dits plus vulgairement « clous savoyards » qui ne mordent pas sur l’épaisseur de la semelle, ne seront réglementaires qu’à partir de 1935 !

A l’époque la base est le brodequin 1893 qui peut être parfois muni d’un cloutage renforcé par une plus grande quantité de clous – le havresac du modèle général, bandes molletières, vestes courtes avec large ceinture de flanelle, la « Taillole », alpenstocks, solides cordes et manteau à capuchon. Ils se différencient par leur coiffure originale, ils abandonnent le traditionnel képi au profit d’un vaste béret bientôt appelé « tarte » qui les met à l’abri des intempéries et qui restera la distinctive de la spécialité alpine.

Peu de temps après, le général Legrand est versé dans le cadre de réserve. Il décède à l’âge de 79 ans le 13 août 1915 en son domicile de Montpellier, 6 rue Jeu de l’Arc, un an après le début de la Grande Guerre, un an après presque jour pour jour, que le 122° soit parti en garnison à Rodez et participe aux creusements des tranchées et à la mise en défense de Paris.

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Un de ces grands serviteurs de la France retombé quelque peu dans l’oubli. Si vous possédez des informations le concernant, vous pouvez nous aider à enrichir cette page.

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La sépulture du cimetière Saint-Lazare (photo MP)
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Détail de la sépulture Legrand au cimetière Saint-Lazare (photo MP)

Sources :

http://www.military-photos.com/offalp.htm

http://www.museemilitairelyon.com/spip.php?article151